Le charmant village de Roquebrun. Photo : Kristina Haataja.

Ce mois-ci, je vous fais part de mon voyage en France que j’ai entrepris tout le mois de novembre et une partie de décembre 2021. Pas pour fuir l’obscurité de la saison que je ne déteste pas particulièrement mais tout simplement par la force des choses, par besoin de me retrouver dans mon pays d’adoption.

Paris

J’arrive à Paris à temps pour accueillir la nouvelle de l’annonce du prix Goncourt – le plus fameux des prix littéraires en France qui en compte plusieurs (Médicis, Femina, Renaudot, Interallié, des libraires, etc.). Cette année c’est un jeune Sénégalais de 32 ans, Mohamed Mbougar Sarr, qui est primé pour son roman La plus secrète mémoire des hommes, publié par un petit éditeur Philippe Rey / Jimsaan.

En voilà plusieurs bonnes surprises :

  1. le lauréat est un jeune Africain,

  2. l’éditeur est un modeste inconnu pour la plupart de gens et

  3. cerise sur le gâteau pour moi qui adore le chilien Roberto Bolano : L’auteur cite d’emblée, à la première page un long passage des Détectives sauvages !

Je me procure La plus secrète mémoire des hommes et prends le train pour Montpellier – étape suivante de mon séjour.

Exposition et lecture à Montpellier

A Montpellier, je suis censée participer à l’exposition de mon amie Carita Savolainen dont quelques aquarelles, dessins et peintures sont exposées du 13 novembre au 18 décembre 2021 dans la sympathique galerie Borromée tenue par Alain de Caprile et son épouse, la romancière et psychanalyste Adeline Yzac.

 

Carita Savolainen et Alain de Caprile à la galleria Borromée. Photo : Kristina Haataja.

Cette dernière souhaite présenter mon roman Nuit (parue en France en 2002) et organise au lendemain du vernissage de Carita une lecture-interview.

Avec Adeline Yzac autour de mon roman Nuit. Photo : Kristina Haataja.

         Nuit (2002). Photo : Kristina Haataja.

                             

Impressionnée par les questions et remarques pertinentes d’Adeline, je fais de mon mieux pour expliquer un livre que j’ai écrit au début des années 1990 en finnois, puis traduit en franҫais avec l’aide d’Anne Papart en 2002.

Nous avons passé un après-midi délicieux avec un public averti, très à l’écoute.

En résidence de Roquebrun

Mon voyage se poursuit. Je quitte Montpellier et pars dans l’arrière-pays de Béziers pour un court séjour en résidence de traduction chez mon amie Carita. Le village s’appelle Roquebrun, perché sur une colline au-dessus de la rivière Orb, il accueille des touristes en été et a l‘air de somnoler l’hiver. Idéal pour travailler : je plonge dans la traduction de Yoga d’Emmanuel Carrère. Mes journées sont rythmées par le travail, la lecture du prix Goncourt, les promenades et les dîners quotidiens avec Carita et aussi quelques escapades dans les beaux paysages de l’Hérault, des retrouvailles avec des amis et quelques suprises…

Vue de ma fenêtre à Roquebrun. Photo : Kristina Haataja.

Un samedi par mois se réunissent dans la région des amoureux de la poésie autour de La Table d’écriture, un atelier d’écriture proposé par l’association culturelle et sportive de Caux, animé par Jean-Marc Barrier. Nous y allons toutes les deux, ma présence étant acceptée par l’animateur.

C’est un bonheur. D’abord de me retrouver parmi ces gens animés par l’amour de la poésie qui, par ailleurs, ne sont pas des spécialistes de la littérature. Jean-Marc présente un auteur dont il lit quelques poèmes et sensibilise les participants autour d’un thème. Aujourd’hui il s’agit d’oxymores. (« Un oxymore est une figure de style qui vise à rapprocher deux termes que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire, comme « une obscure clarté ».) On nous demande d’écrire 5 phrases contenant des oxymores, puis les gens lisent leurs phrases à tour de rôle. Pour terminer, chacun choisira une de ses phrases en la transformant en un poème.

J’apprendrai par la suite qu’un recueil de poèmes est publié au terme de chaque année rassemblant certains de ces poèmes.

         Recueil de poèmes issu de la Table d’ecriture.                   Photo : Kristina Haataja.

Je suis touchée par l’ambiance de la réunion : la grande qualité des poèmes, l’amabilité et l’écoute des participants et de l’animateur. Et je suis touchée en pensant à notre Atelier de littérature qui a débuté dans le cadre du Cercle franco-finlandais il y a près de dix ans et qui tente de survivre dans la difficile situation du Covid 19. Je me mets à rêver d’une possibilités de rencontre entre ces deux groupes…

Paris encore

Je regagne Paris. Dans le train, je lis dans le Nouvel observateur une interview d’Annie Ernaux, encore un de mes écrivains favoris, et l’article d’Emmanuel Carrère qui suit pour l’hebdomadaire le procès des attentats du 13 novembre (2015). Deux auteurs avec lesquels je me sens véritablement chez moi. J’apprends que deux films tirés des romans d’Annie Ernaux viennent de sortir, L’évènement et Passion simple. Des ouvrages qui datent de plusieurs années mais qui n’ont absolument pas vieilli.

A Paris j’ai rendez-vous avec Emmanuel que je n’ai pas revu depuis quelques années. Je termine de lire La plus secrète mémoire des hommes et ne suis pas déҫue. Je découvre les photos de Josephine Baker sur la faҫade du Panthéon dont je constate, avec satisfaction, que ce majestueux édifice se féminise.

Le Panthéon se féminise. Photo : Kristina Haataja.

Après cette escapade insolite, au début de janvier 2022, on retournera à mes lectures et peut-être à Annie Ernaux dont le magnifique Les Années vient de sortir en finnois, en attendant Mohamed Mbougar Sarr et sa Plus secrète mémoire des hommes

Kristina Haataja, traductrice et écrivaine